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« Là où les esprits ne dorment jamais » : Jonathan Werber réussit son premier tour de magie

[ Coup de coeur ♥ ]

À New-York en 1888, Jenny Marton est une apprentie magicienne de rue qui rêve d’être connue pour son art. Elle est recrutée par une célèbre agence de détectives privés pour enquêter sur les soeurs Fox, à la tête du plus grand mouvement spirite…

Leah, Kate et Margaret Fox sont les pilliers du mouvement spirite, un spiritualisme moderne qui s’étend bien au-delà des frontières américaines. Aux quatre coins du monde, les soeurs diffusent leur savoir occulte qui consiste à parler avec les mots. Depuis quarante ans et malgré de très nombreuses controverses, personne n’a réussi à percer le secret de leur succès. Pour communiquer avec l’au-delà, elles posent des questions trinaires aux esprits des proches de leurs clients, qui ne peuvent répondre que par un, deux ou trois coups. Parallèlement, l’agence de détectives Pinkerson, qui opère dans l’ombre depuis deux générations pour résoudre les mystères et les enquêtes policières, est dirigée par les deux fils du fondateur : William et Robert. Les deux hommes aux caractères diamétralement opposés, mais diablement complémentaires, entendent bien redorer leur blason en levant le voile sur le mystère des soeurs Fox. Ils embauchent alors la jeune Jenny, une prestidigitatrice pleines de ressources, pour s’approcher d’elles et découvrir la clé de leur succès… L’avenir de l’agence et des soeurs Fox est désormais entre ses mains habiles.

Là où les esprits ne dorment jamais est le premier roman de Jonathan Werber : et quel roman ! Ce joli bébé de 450 pages ne passe pas inaperçu de part sa couverture avec les visages énigmatiques des soeurs Fox, mais aussi par sa thématique mystique et sa qualité d’écriture. La galerie des personnages présents dans ce roman, qu’ils soient principaux, secondaires ou d’arrière-plan, sont tous délicatement écrits. La description physique ou les traits de caractère dessinent un ensemble des portraits précis et variés sans qu’ils soient ostentatoires. Le lecteur s’attache et s’identifie aisément au personnage de Jenny : il est maintenu en haleine tout au long de l’enquête et veut lui aussi comprendre ce lien étrange entre Kate, Leah et Margaret. Le rythme de récit est équilibré, savamment dosé entre les conversations indispensables pour obtenir les informations, et les scènes d’action. Les retournements de situation s’enchaînent avec fluidité et sont addictifs. Le twist de fin peut peut-être décevoir, mais il faut se montrer patient et attendre les toutes dernières pages pour connaître le véritable point final de cette histoire.

Jonathan Werber n’a pas fait les choses à moitié. Il a abattu un travail de recherche et de documentation titanesques pour immerger son lecteur dans une ambiance et un contexte aussi définis que particuliers. La trame de l’histoire s’inspire de faits réels. La génération d’après-guerre de sécession porte les séquelles des batailles violentes qui ont déchiré le pays à cette époque. Les soeurs Fox (qui, comme l’agence Pinkerson, ont réellement existé) et l’essor du spiritualisme étaient une conséquence logique à ce traumatisme. Pour les plus curieu.x.se.s, l’auteur a partagé les différentes sources de ses travaux en fin d’ouvrage et précise les éléments du récit qui appartiennent aux faits et ceux qui relèvent de la fiction. Certains esprits critiques trouveront une justification scénaristique superflue dans la démarche, d’autres apprécieront la mise en contexte de ces notions appartenant à l’histoire.

Là où les esprits ne dorment jamais est un premier tour de magie qui opère jusqu’à la dernière page. Jonathan Werber vient de faire une entrée remarquée sur la scène des jeunes auteurs français plein de promesses.

« Là où les esprits ne dorment jamais » – Jonathan Werber
Editions Plon – 452 pages

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