« On pourrait assez aisément écrire une histoire du mélodrame qui résumerait une grande part de l’histoire du cinéma (…) » disait l’écrivain français Jean Loup Bourget dans son livre « Le mélodrame hollywoodien ». Le mélodrame, peut-être un genre cinématographique vu comme vieillot pourtant, celui-ci sait évoluer avec le temps, pouvant même s’unir avec d’autre genre comme le fantastique, créant ainsi, un nouveau genre le mélodrame fantastique plus contemporain.

En règle générale, le mélodrame est plus utilisé dans le cinéma populaire avec des péripéties ou des événements qui affectent le destin de personnage, souvent victime plus ou moins pathétique qui suscite l’émotion du spectateur, mais surtout, où il peut s’y identifier. Ce genre invite le spectateur à ressentir de la sympathie pour les victimes, ainsi que pour les conséquences qui motivent les actions.

Le mélodrame a souvent été le moyen, on pourrait même dire la méthode employée, afin de dramatiser certains questionnements de la vie, et plus particulièrement social. Nous le savons, le cinéma fait passer des messages, pour ce genre cinématographique, il en est de même, il épaule cette idée. C’est un genre vu comme un instrument de protestation, ayant pour but d’apporter ou non une réflexion sur la vie.

 

Les intrigues mélodramatiques mettent généralement l’accent sur des situations sensationnelles ou des crises d’émotion humaine, de situations familiales difficiles, de tragédie, de romance ou d’amitié perdue, de perte, des névroses ou des difficultés émotionnelles et physiques dans la vie quotidienne.

Souvent, ce genre de films a été utilisé de manière péjorative pour évoquer des récits irréalistes et pleins romances, ou des situations quotidiennes avec des personnages stéréotypés.

 

Les mélodrames ont été la forme principale des drames jusqu’à ce qu’ils soient dépassés par des formes dramatiques plus simples et plus réalistes à partir des années 50, jusqu’à ce qu’ils n’en restent que très peu. Pourtant, ils continuent à apparaître occasionnellement. Même aujourd’hui, certains films d’horreur, d’action, de guerre, de fantaisies, et même les westerns peuvent être qualifiés de mélodramatiques. Le mélodrame a souhaité avoir un nouveau coup de souffle au cours des années 90-2000. Ces mélodrames contemporains commencent à être de plus en plus utilisés dans le cinéma moderne.

Quand deux genres s’unissent.
 

Il existe bel et bien un cinéma qui peut composer une œuvre cohérente grâce au mariage du genre du mélodrame à celui du fantastique. Le mélodrame est un genre populaire qui n’embarrasse pas seulement des notions hautement contestables. Au cinéma le mélodrame, outre sa capacité à susciter une implication émotionnel forte, a su évoluer, se développer et surtout d’adapter à l’histoire du cinéma. Par conséquent, il a pu s’adapter en une intrigue fantastique ou surnaturelle créant ainsi, un sous-genre du mélodrame. Il est difficile d’assimiler un film à un genre, plus particulièrement en Espagne, où le cinéma fantastique et d’horreur s’affirment depuis quelques années comme le meilleur d’Europe. Il est difficile d’assimiler un cinéaste à un genre en particulier. Pourtant, il est possible de rattacher la notion de mélodrame fantastique contemporain au réalisateur espagnol Juan Antonio Bayona, notamment avec deux de ces films : Quelques Minutes après minuit (2016) et l’Orphelinat (2007).

 
 
Un nouveau messie du fantastique mélodramatique ?

 

Juan Antonio Bayona est devenu au fil des années, l’une des figures les plus pertinentes du cinéma contemporain espagnol, ainsi que l’un des cinéastes actifs de son pays avec la plus grande projection internationale. Le réalisateur et scénariste de ses propres films, fait partie des rares cinéastess qui ont su allier à la fois virtuosité de la mise en scène et simplicité du récit.

 

Les plus gros succès des films de Juan Antonio Bayona fonctionnent sur une même recette : mise en scène atmosphérique, retournement final du récit soigneusement maintenu jusqu’aux dernières images, ayant été appliquées avec autant de réussite dans ses films cités précédents : L’Orphelinat (2007), The Impossible (2012) et Quelques minutes après minuit (2016).

Quelques minutes après minuit. Réalisé par J. Antonio Bayona en 2016

 

Dans Quelques minutes après minuit et L’Orphelinat, comme dans de nombreux films semblant être mélodramatiques, il s’agit là d’histoire de personnages incapables de s’adapter à leur environnement et qui parfois, expriment leurs faiblesses émotionnelles par la violence. Par exemple : le fantôme du petit garçon masqué qui effraie, voire qui blesse l’héroïne dans L’Orphelinat, ou encore par l’imagination démesurée et parfois agressive du jeune garçon dans Quelques Minutes après minuit. Un code de ce genre, revisité de manière plus moderne et à travers le fantastique.

 

On peut également retrouver des intrigues similaires à ce genre cinématographique, lié à la résolution et franchissement d’obstacle qui s’opposent aux personnages. Dans une interview de Nick Dawson pour le Filmmaker Magazine, Juan Antonio Bayona évoque que le style qu’utilise Guillermo Del Toro (le producteur du film) est un genre qui l’inspire beaucoup : celui du mélodrame. « Le mélodrame et les films d’horreur sont probablement les deux genres les plus efficaces pour visualiser les conflits intérieurs des personnages.« 

 

 

Une mise en scène mélo-fantastique

 

Dans certains de ces films, Juan Antonio Bayona est dans le soulignement constant et dans la recherche de larmes à tout prix, forçant l’émotivité des scènes et faisant appel à une forte sentimentalité et empathie du spectateur, que ce soit du mélodrame fantastique ou spectaculaire. La mise en scène joue un rôle important dans la perception du film par le spectateur. L’écriture cinématographique et la mise en scène sont différentes de ce qu’on a l’habitude de voir dans un certain genre cinématographique.

 

Le réalisateur arrive à aborder le sujet cinématographique du mélodrame fantastique qui semble peu utilisé, mais d’une toute autre manière. Juan Antonio Bayona sait aborder certains thèmes mélangeant à la fois le réaliste et le fantastique ! La seule capacité extraordinaire du personnage principal dans Quelques minutes après minuit, Conor est son imagination.

Après la mise en scène, le décor fait une référence directe au traumatisme mental du personnage. Nous sommes dans un milieu froid et triste, tout le contraire de ce que les enfants voient à cet âge-là ; tout comme la maladie de la mère, que Conor souhaite à la fois soigner, mais en fuyant celle-ci car il en a peur. Pour L’Orphelinat, une vieille demeure abandonnée et un classique pour les films d’épouvante. De plus, la bâtisse était un ancien orphelinat, un lieu où des enfants attendent désespérément une famille. Un décor glacial et comme figé dans le temps.

 

 

Thème et récit : entre le deuil et l’aventure

 

Le film se démarque et ne ressemble à rien aux superproductions anodines de films fantastiques. C’est un film qui est embelli par la magie, le merveilleux ou le sensationnel, puisque l’histoire se passe au travers d’une trame totalement réaliste. Pour faire simple, le film est une sorte de conte, mais présenté de façon très terre-à-terre dans notre monde de tous les jours, avec juste l’imagination d’un enfant, la rendant plus fantastique.

 

La mort a toujours été l’un des thèmes les plus populaires dans les mélodrames, physiquement ou émotionnellement, comme dans les films mélodramatiques précédant. Les films sont liés au deuil et à l’acceptation de la mort. Ce sont des films où des personnages se retrouvent dans une situation anxiogène, avec le spectre de la mort qui se dessine à l’horizon. “(…) Tous se trouvent forcés de connaître les mêmes épreuves : le deuil, la fuite, la réclusion, l’aveu, l’errance et le pardon. Chacun se trouve face à la nécessité de se tourner vers les autres pour trouver une issue, fut-elle tragique » disait Françoise Zamour dans Le mélodrame dans le cinéma contemporain: Une fabrique de peuples.

 

Le mélodrame est lié à la morale ! Plus que le cinéma fantastique ou d’épouvante, c’est du cinéma mélodramatique fantastique. Au milieu d’une réalité ou d’une horreur difficile à supporter, ce sont aussi des exemples remarquable de mélodrame, où s’affirment la lutte, l’amour familial, le chagrin et parfois l’acceptation. Autant le monstre en forme d’arbre veut aider Conor autant il veut qu’il apprenne ces erreurs. Même cas pour l’Orphelinat ou le fantôme du petit garçon masqué dévoile petit à petit les secrets de la demeure ainsi que les causes de la disparition de l’enfant de l’héroïne.

 

Dans Quelques minutes après minuit et l’Orphelinat, il y a une quête de liberté et d’aventure. Il y a un besoin de découverte, mais également qui parfois, va de paire avec l’envie de fuir une réalité trop commune, trop triste, voire un sentiment d’ennui et de lassitude, que ce soit par la mère cherchant à tout prix son enfant frétillant de liberté dans une maison regorgeant de secrets, ou d’un jeune garçon fuyant la maladie de sa mère.

 

Que le film soit pour les enfants, les adolescents ou les adultes, il a également donné une grande profondeur à ses images. Il a réussi à développer une apparence simpliste du langage visuel pour ainsi lier plusieurs trames subtiles de thèmes récurrents : la mort, le deuil ou l’aventure. Grâce à ses cadres soigneusement réalisés, le réalisateur a réussi à fasciner, hypnotiser le spectateur.

Quelques minutes après minuit, tout comme L’Orphelinat, ils ont donc pour enjeu de raconter une histoire surnaturelle ou fantastique dans un récit humain, que les problèmes de la vie peuvent apporter et qui sont, tout compte fait, les issues inévitables que les personnages doivent surmonter et/ou apprendre à vivre avec. Nous sommes face à deux films intimes et profonds qui évoluent avec habileté entre mélodrame et fantaisie

 

Les deux films de Bayona sont obsédés par un grand sujet : celui de déterrer et révéler les secrets enfouis, les dégager, leur donner une nouvelle existence afin de mieux les affronter et les dépasser.

En fin de compte, même si Juan Antonio Bayona ne se considère pas officiellement comme réalisateur de film mélodrame, ces deux films sont des sortes de contes hispaniques mélodramatiques avec un message simple : qu’il est possible de faire son deuil puis… de se laisser aller.

 

Le cinéma de Juan Antonio Bayona ressemble quelque peu au cinéma de M Night Shyamalan ou encore celui de Guillermo Del Toro, grand maître du conte fantastique et féérique dont ses derniers films mélo-fantastiques sont La Forme de l’eau en 2017 ou prochainement Pinocchio dont la sortie est prévu en 2021 sur Netflix. Le genre du mélodramatique fantastique moderne n’a pas encore dit son dernier mot.

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